J’ai visité des centaines et des centaines d’hôtel, et j’ai toujours trouvé des chambres vides. Des boîtes blanches en général où les journées d’hier n’existent plus. Où tout est quotidiennement remis à neuf. Disparues les frasques des locataires précédents, disparu le linge oublié sous le lit. Même les odeurs s’oublient et la poussière ne se dépose plus. Chaque chambre d’hôtel est amnésique et perd la mémoire de ses passagers furtifs.
Au contraire, tout se joue dans les couloirs et cages d’escaliers, dans l’ascenseur ou dans un lobby. Là, ont lieu les vrais rencontres. Celles de ces yeux curieux qui se croisent, des contacts involontaires quand on se presse à la porte, des coups de main pour porter malles et valises. Chaque jour se côtoient sans se connaître des mondes opposés. Et même si ces rencontres ne durent pas, elles laissent parfois des traces ineffaçables dans le cœur des solitaires routiniers. Ces gens qui volent tellement d’un hôtel à l’autre, qu’ils en ont oublié d’où ils viennent. Ils ne savent plus non plus où ils vont. Ils errent et se traversent les uns les autres. Ils coexistent pour un moment, le temps de faire vivre ce lieu magique où tout le monde à le droit d’être ce qu’il veut. Et quand finalement, les chambres se remplissent. Quand les couloirs se vident et que l’ascenseur se pose. Quand les lumières éteintes, les gens s’endorment et que le maître somnambule. Alors l’hôtel n’est plus qu’un bâtiment comme les autres, qui a un sommeil de plomb mais qui s’écroule sous les bombes.
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