C’est comme si je ne touchais jamais terre. Je suis détaché de toute vie familiale. Je ne fais que voler, d’une ville à une autre, d’un pays à un autre. Je me noie dans des cultures très différentes ou très proches. Tantôt dans la lumière et tantôt dans le noir le plus total, je guette l’autour qui change en restant fondamentalement le même. Je rencontre des humains et je les quitte encore plus. Je crée cette distance. Cette distance qui m’imprègne déjà avant que je la produise. Je suis loin de tout et très proche à la fois. Et je pleure ce monde que je vois. Je pleure de ne pas le comprendre et je pleure d’avoir trop compris.
Je voyage trop sans jamais décoller. Et je n’atterris pas non plus vraiment. Je passe invisible. Je m’extirpe du décors. Je ne fais que lire le temps sans jamais l’induire.
Suis-je vraiment utile ?
Je me tais pour laisser parler ceux qui savent. J’apprends et je désapprends à leur contact et au contact de tous les autres, ceux qui se taisent aussi, ceux qui n’ont pas le droit à la parole, ceux qui en disent trop. J’écoute attentivement perché à mon aile d’avion. J’écoute murmurer le monde et ressasser sans cesse un «c’était mieux avant». Comme le bruit des vagues qui s’évertue par une force lumineuse à venir s’ébrouer inlassablement sur le bord des plages de sable fin.
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