Le Fog (2)
Partout le grouillement humain. Partout le bruit, la masse, la multitude. Partout les hommes, partout les femmes. Nous arrachons pour planter, nous plantons pour arracher, pour produire, pour vendre. Nous peignons le monde de nos couleurs. Nous teintons le ciel de gris. Nous pullulons l’air. Nous les produits d’un système duquel nous sommes les principaux acteurs.
Je n’ai aucune légitimité à critiquer la Chine tant que je m’habille exclusivement des vêtements issus de ses industries. Je ne peux en aucun cas porter un jugement sur les habitants de ce pays quand j’ai sur la tête mon casque audio, en écrivant sur mon ordinateur, ou en décrochant mon téléphone… parce que ce faisant, j’entretiens un système contre lequel je voudrais me battre.
|Dissonance cognitive|
Tous les jours et à longueur de journée, j’encourage et j’entretiens le smog. Quand je fume ma première cigarette et les suivantes. Quand je tartine allègrement mon pain de tartinade d’huile de palme. Quand je prends la voiture, le bus, l’avion. Quand je mange mon steak bien saignant. Quand j’allume ma télévision, quand je ne la regarde même pas, quand tous ses programmes m’encouragent à consommer. Quand je consomme. Quand j’achète mes aliments au supermarché. Quand mes aliments ont un emballage. Quand mes aliments ont deux emballages ou plus ! Quand j’achète transformé. Quand je vais faire du shopping et que j’achète des vêtements «jetables». Quand je reste paresseux. Quand je ne m’informe pas. Quand je ne suis pas curieux…
Aujourd’hui, parce qu’on est souvent très engagé dans la surconsommation, parce que le marketing s’est donné beaucoup de mal pour nous avaler, au delà d’un devoir citoyen, sortir de la consommation relève du militantisme. C’est un réel combat quotidien parce que ce n’est pas facile, parce qu’on nous martèle les «bienfaits» du capitalisme à tout bout de champs. Il ne faut pas désespérer devant l’ampleur de la tâche et s’armer de patience. S’unir dans la réflexion et dans la création d’alternatives. Elles existent déjà nombreuses. Les pistes sont déjà là. Il suffit juste de s’y intéresser, de prendre le temps de s’instruire. Le premier acte dans ce sens est de se délaisser de notre télévision. On ne pourra pas dire que c’est pas elle qui a commencé à nous délaisser ! Elle ne fait que nous déposséder de notre temps, de notre intelligence, de notre esprit critique. Et petit à petit, les réseaux sociaux font insidieusement la même chose. En nous montrant juste ce qu’on veut voir. En nous dépossédant de l’être pour ne garder que le paraître. En nous maintenant dans un lieu nébuleux et vide, dans un mirage où les gens nous apprécient et nous suivent…
Ce n’est pas la seule vérité. Si on veut réellement vivre dans l’instant présent, nous devrions nous départir de tous ces filtres électroniques, de cette manie de tout vouloir capter pour le garder et le faire voir. Rien est aussi fragile que l’instant qui disparaît. Acceptons de rater ces clichés tout comme nous devrions accepter de rater tout court. Finissons en avec cette pseudo perfection et attachons nous plus à ceux qui nous font rire ou pleurer, râler ou espérer. Partageons avec eux et non pas avec leur image.
Tout se joue dans l’instant alors cessons-en avec la paresse d’aller vers l’autre. Chaque geste compte. Restons centrés sur notre présent. Arrêtons de nous faire culpabiliser sur tout et reprenons la responsabilité de chacun de nos choix.
|texte du 07/03/17|
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