Je voulais vraiment l’embrasser. Je suis resté une matinée entière à ses côtés, en équilibre à quelques centimètres de ses lèvres. Je la regardais maladroitement en tremblant de fatigue et de peur. Cette peur des jeunes et des moins jeunes, celle de se jeter du plongeoir le plus haut. Attrapé de vertiges et happé par la vision d’elle qui s’offrait à moi, je restais suspendu à l’envie de goutter son souffle. Le mien en était coupé. J’haletais d’être si proche et si loin à la fois. Perdu entre elle et moi, dans cet espace infini des choix indécis. Et le temps a coulé sur nous jusqu’à m’emporter avec lui, loin d’elle.
«Je regrette de ne pas l’avoir embrassé.» Combien de fois dans ma vie ai-je dit ça ? Bien trop j’en ai l’impression. Je suis resté là, vibrant et impassible à ses côtés. Mes doigts glissant dans ses cheveux, parfois contre sa peau. Quel jeune idiot ! Je garde en moi la douceur de cette parenthèse, comme un rêve éveillé. Je goûte encore au parfum des images de ces heures volées à ses côtés. Il s’en dégage des reflets scintillants où voltigent des grains de poussière aux couleurs pastels. Je vois sa silhouette dessinée par les rayons du soleil. Je me sens presque invincible en l’imaginant ainsi et pourtant je n’ai rien fait. Tabarnak ! Et en même temps, il y a quelque chose de touchant dans cette maladresse innocente. J’y retrouve les restes d’un moi plus jeune et attentif. À observer les moindres faits et gestes, à compter les signes tout en y restant sourd, à trépigner au sommet de ce haut plongeoir, attiré par la chute, à se laisser submerger par le désir de tomber sans au final se déposer sur un baiser tant espéré.
Ce qu'il reste 
Très beau texte bravo 🙂
Belle écriture et belles penser qui nous ramènes à nous même. On a tous vécus une situation du genre.
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