Mardi 29 octobre 2019

Au départ, on construit des bouts de mur ensemble. On utilise différents matériaux. On aime jouer avec tout et n’importe quoi. On se découvre, on expérimente. On fait des murs colorés. Ils ne sont jamais bien solide dans un premier temps. Et un rien peut les faire s’effondrer. Il suffit juste que l’un appuie trop de son côté, pour remplir de miettes de pailles ou de brindilles la cour de l’autre. Et il faut recommencer. Ce qui n’est pas grave du tout. Quand on aime on ne compte pas. Alors on se dit qu’on va construire plus solide cette fois, et on rajoute du ciment à la pierre. Parce qu’on pense qu’en figeant les choses, on se sentira plus protégé, plus en sécurité. On appelle ça la confiance. En oubliant que si tout est trop solide et inflexible, les tensions créées sont d’autant plus fortes et le risque d’exploser beaucoup plus grand…

Je me suis bâtis un mur d’illusions pour ne plus voir les crises et les gamineries. Ou pour que les miennes rebondissent et aillent se perdre dans le néant. Je l’ai fait bien solide, pour avoir un «nous» sur lequel m’appuyer plus fort que sur elle et moi. Et je l’ai aimé ce mur. Je l’ai tellement aimé que quand je l’ai grimpé il n’y avait plus personne de l’autre côté. J’en ai perdu l’équilibre et je suis tombé. Je me suis retrouvé d’un coup bien seul de mon côté du mur. Et la douleur de la chute m’a encore plus plongé dans la solitude. J’ai essayé au milieu de tout ça de rendre le mur plus accueillant, de le décorer dans l’espoir qu’elle revienne. J’y ai mis des guirlandes pour attirer son attention. Je ne le savais pas mais je devenais fou. On ne fait pas revenir quelqu’un avec un mur, qu’il soit beau ou non. On ne fait pas revenir quelqu’un tout court. Si elle revient, c’est de son propre chef. Alors j’ai tenté de faire tomber le mur. Au début, ma folie m’a poussé à le frapper du poing. Je voulais le détruire à main nue. Je me suis cassé comme ça des semaines durant. Parfois, des gens essayaient de m’arracher du mur mais j’y retournais en pleurant et en criant «LÂCHEZ-MOI!!». Finalement, j’ai trouvé quelques outils d’après des conseils que j’ai bien voulu entendre. Et j’y suis allé, centimètre par centimètre, pierre par pierre. Et le mur a commencé à céder. Alors j’ai pu commencer à chercher, à la chercher. J’avais fait des plans pour un autre mur. Avec de belles briques cette fois, quelque chose de différent, qu’on pourrait construire ensemble. Je voulais absolument lui montrer que pour elle, j’avais changé mes plans. Que tout serait différent. Je marchais dans le noir alors. Et c’est là que je suis tombé sur un autre mur. Son mur. Celui qu’elle avait construit un peu plus loin. J’ai essayé de frapper dessus quelques minutes, au moins pour me faire entendre. Mais pas moyen. Et impossible de détruire un mur construit par quelqu’un d’autre. Ça ne se fait tout simplement pas. Et si ça arrive, ça ne peut déboucher que sur un désastre. Alors je me suis allongé au pied de ce mur. J’ai cru y déceler un peu de chaleur. Et je me suis endormis là. Je ne sais pas pour combien de temps. Peut-être pendant une saison, ou peut-être plus. Ce que je sais c’est que quand je me suis réveillé, la sensation de chaleur avait disparu. J’étais glacé. Et j’ai eu beau me frotter les mains, j’avais toujours si froid. Il n’y avait qu’une chose à faire alors : bouger. Bouger et donc partir. Sur un morceau de papier, j’ai dessiné un cœur que je n’ai pas signé, je l’ai accroché sur un bout du mur et je suis partis. Je ne sais pas si quelqu’un d’autre que le vent l’aura trouvé.

Je marche seul depuis un moment. J’ai moins froid. J’ai arrêté de vouloir construire des murs. Je me mettrais peut-être à faire des portes, ou peut-être pas ; à rien de tangible. Peut-être que je bâtirais plus à l’intérieur, quelque chose de spirituel, ou peut-être pas.

J’ai été comme trois petits cochons. Maintenant, je suis un loup. Il n’y a que dans les contes que le loup souffle pour s’inviter à une fête. Alors je chante. Je chante pour trouver une meute. Et je souffle sur les souvenirs trop douloureux. Je chante pour oublier. Je suis un loup solitaire. Bientôt j’entendrai des branches craquer plus loin. En attendant, je marche dans la forêt en chantant :

«Ahouuuuuuu, ahouuu ahouuu..!»

|12/10/2019|
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